lundi 25 janvier 2016

La Résistance à travers l'art et la littérature


Thème: Individuel et collectif

La Résistance à travers l'Art et la Littérature


SOMMAIRE:

INTRODUCTION

I/ Hors des camps:

A/ L'art, un moyen de subversion
B/ L'art pour soutenir
C/ L'art, une façon de rester libre

II/ Dans les camps:

A/ Lutter contre la déshumanisation
B/ Fuir la réalité
C/ L'art un moyen de rassembler les individus

CONCLUSION


INTRODUCTION


Le 22 juin 1940, La France est envahie ce qui conduit à une exode massif des civils du Nord vers le Sud. Une ligne de démarcation est ainsi créée : la zone Nord est contrôlée par les allemands tandis que la zone Sud dite « libre » est sous la politique de Vichy instaurée par Pétain. Cette division géographique résulte en une division idéologique : opposés aux collaborateurs et à la Milice, la police du régime de Vichy, se créé un mouvement de protestation : la Résistance.

La Résistance est le terme pour désigner l'ensemble des individus (hommes et femmes) participant à des mouvements ou des réseaux clandestins pour lutter contre l'occupation allemande, à partir de l'armistice du 22 juin 1940. Certaines des actions menées ont bien étaient violentes (sabotages), d'autres étaient pacifiques mais pas moins importantes (renseignement, dissimulation de personnes recherchées, presse et écrits clandestins).

L'unification des forces de la Résistance a été réalisée sous la direction du Général De Gaulle chef de la "France libre" en Angleterre, avec la création du conseil national de la Résistance (CNR1) par Jean Moulin2, le 27 mai 1943. Malheureusement le combat de ces hommes et de ces femmes qui résistaient par les écrits qu'ils produisaient, fut souvent stoppé par la censure. 

La censure est une limitation arbitraire ou doctrinale de la liberté d'expression de chacun. Elle passe par l'examen du détenteur d'un pouvoir sur des livres, journaux, bulletins d'informations, pièces de théâtre, films, etc. avant d'en permettre la diffusion au public. Par extension, la censure désigne différentes formes d'atteintes à la liberté d'expression, avant ou après leur diffusion .

Ce n'est pas seulement la presse qui fut entravée par la censure mais toutes les formes artistiques et culturelles. En effet, Dès le 28 août 1939, un contrôle préventif des imprimés est mis en place en prétextant que le pays est en guerre. Sous l'occupation de la France, les médias ont joué un rôle important en diffusant des informations à l'aide des journaux, de la radio, ou des actualités cinématographiques. Mais les civils devaient se méfier des infos mensongères, de la propagande et de la censure. 
C'est pourquoi certains d'entre eux écoutaient les radios étrangères ou clandestines comme la Radio de Londres par exemple. La Résistance joua un rôle important en publiant des poèmes, des écrits ou des chansons dans la clandestinité. 

Après avoir mis en évidence les précédentes informations, la question suivante se pose : Comment des poètes et musiciens amateurs ou professionnels ont-ils mobilisé leur art au service de la Résistance durant la Seconde guerre mondiale ? Pour cela nous nous appuierons sur des œuvres écrites et composées à l'extérieur puis dans les camps en nous concentrant sur les objectifs de ces artistes.


I/ Hors des camps

A) L'art, un moyen de subversion

1940, La France est occupée par l’Allemagne nazi, en Pologne le camp d'extermination d’Auschwitz est ouvert, le général de Gaulle lance un appel engageant les Français à poursuivre la lutte et fonde un gouvernement français en exil le 18 juin. Face à l'horreur de cette guerre inattendue des mouvements de contestations se forment devenant peu à peu « la Résistance ». 
Même si beaucoup collaborent avec l'ennemi ou s’accommodent à la situation, certains, hommes, femmes ou enfants de toute l'Europe choisissent de résister dans l'espoir d'un futur meilleur. Ce flot subversif voit des individus provenant de toutes catégories sociales se battre ensemble pour des idées et des valeurs reçues en se positionnant de manière différente. Certains utilisent la violence ou bien apportent leur aide aux familles, d'autres, pour contester se servent de la musique ou de la poésie.
Bien que très restreintes, certaines organisations contournent et occultent la censure et mobilisent des artistes résistants afin que ceux-ci continuent de publier et de partager leur art au service de la liberté.

Des organisations résistantes et leurs artistes:

Comme dans tous les milieux, les musiciens représentent une minorité dans la Résistance. Créé en mai 1941 à l'instigation du parti communiste et animé par Elsa Barraine3 et Roger Désormière4le Front national des musiciens est l’unique organisation de résistance spécifique aux musiciens. Celle-ci diffuse successivement deux périodiques clandestins, Musiciens d’aujourd’hui puis Le Musicien patriote, prônant la « contrebande musicale », c’est-à-dire incitant à jouer ce qui est interdit. Parmi ces musiciens on pouvait compter Francis Poulenc, Arthur Rosenthal ou Jacques Chailley (créateur de l’Orchestre des Cadets du Conservatoire pour sauver les jeunes musiciens du STO). 
Il s’agissait alors de jouer devant les Allemands des fragments d’airs patriotiques insérés dans d’autres œuvres comme par exemple Poulenc, qui inséra un passage de « Vous n'aurez pas l'Alsace et la lorraine» dans la partition des Animaux modèles (que les officiers allemands ne reconnurent pas à l'époque). Ce dernier prône également la résistance en écrivant la même année (1943) une cantate qu'il appelle « Figure humaine » sur des textes de Paul Eluard qui doit attendre 1945 pour être créée (à Londres), sans aucun doute en raison du poème qui la conclut : Liberté. Expression de la douleur et de la solitude, évocation de la mort et de la folie meurtrière des hommes laissant pourtant percer une lueur d'espoir, cette cantate adopte essentiellement une écriture verticale favorisant l'intelligibilité du texte.
Extrait de « Figure humaine » de Poulenc : Liberté




D'autres manifestations de ce genres auront lieu comme celle de ce musicien de l'Opéra Garnier qui fit entendre quelques notes de la Marseillaise lors d’une représentation de Carmen (opéra de Bizet). Plusieurs œuvres patriotiques furent composées durant cette période, notamment sur des œuvres de poètes interdits : Georges Auric composa Six poèmes de Paul Eluard (1940-1941), et Quatre Chants de la France malheureuse, sur des textes de Jules Supervielles, Eluard et Aragon.

Parmi les organisations majeurs de la Résistance durant la seconde guerre mondiale, il est primordial de parler de la C.N.E -comité national des écrivains- organe de la résistance littéraire. Celle-ci fut Créée sur l'instance du parti communiste en 1941 par Jacques Decour et Jean Pauhlan (voir I) c)). En 1944, le CNE diffusa une liste noire des écrivains "collaborateurs", exigeant que le gouvernement provisoire dirigé par le général de Gaulle entame des poursuites à la libération. Ce fut effectivement le cas : plusieurs journalistes et écrivains désignés par le CNE furent exécutés, l’affaire la plus célèbre étant celle de Robert Brassillach. Les autres écrivains cités dans la liste furent pour la plupart emprisonnés et dans tous les cas frappés d'une interdiction de publier.


                                          Liste noire-Les lettres françaises -21 octobre 19445


La même année une maison d’édition française « Les éditions de minuit » voit le jour à l'initiative de Pierre de Lescure (écrivain et éditeur) et de Jean Bruller (écrivain) connu sous le pseudonyme de Vercors. Cette importante entreprise éditoriale continua à faire vivre la littérature française en publiant de nombreuses œuvres malgré les innombrables contraintes de l'occupation. 
En France, ses échos se démultiplient grâce à la presse résistante qui signale ses publications et en reproduit des extraits. Ses principaux sujets de publication sont les récits des vies, des gestes, des attitudes qui témoignent de comportements de refus et de dignité. Comme ce premier livre publié : « le silence de la mer » écrit par Vercors qui s'inspire de faits réels ayant lui même accueilli chez lui un officier allemand attaché à la France. Dans un premier temps, Jean Bruller s'imposa un silence artistique comme forme de résistance mais qui devint rapidement active quand il se plongea dans la lutte littéraire clandestine.

-Comment résister quand on est écrivain ?
-Par le silence, un silence méprisant 
-Vercors

        

Jean Bruller dit « Vercors »6 Plaque à la mémoire de Jean Bruller, située sur la passerelle des Arts,Paris VIe7

Ces éditions ont fonctionné jusqu'à la Libération, publiant 25 œuvres d'écrivains de la Résistance contournant ainsi la censure et la propagande de Vichy. Plus neutres politiquement que Pensée Libre (démantelée par les Allemands), les éditions de minuit étaient ouvertes aux auteurs gaullistes et communistes.
Ces organisations clandestines permirent la publication de nombreuses œuvres littéraires dont le but de leurs auteurs était de dénoncer, contester, de divulguer des vérités cachées ou encore de tenter de soulever la population.



La poésie:

Plusieurs poètes décidèrent de résister en publiant des œuvres susceptibles de les faire arrêter. Ce fut le cas de Jean Cassou, condamné à un an de prison par le Tribunal militaire de Toulouse alors que Les éditions de minuit venaient de publier ses « 33 sonnets composés au secret » qu'il écrit en 1944 alors qu'il avait déjà été arrêté par le régime de Vichy pour acte de résistance. .

"Résister ! C’est le cri qui sort de votre cœur à tous, dans la détresse où vous a laissé le désastre de la Patrie. C’est le cri de vous tous qui ne vous résignez pas, de vous tous qui voulez faire votre devoir."
Extrait du sonnet n 6

Ces simples vers expriment toute la « détresse » de l'auteur qui cherche à inculper de l'espoir à toute une population désespérée en rappelant le devoir de chacun qui est de « résister ! ».

Le combat des poètes ne concerne pas seulement la France mais toute l'Europe et notamment l'Italie. En effet, La Résistance Italienne durant la Seconde Guerre mondiale apparaît en 1943 avec la chute du régime fasciste. Pour de nombreuses personnes, elle est cependant la poursuite de la lutte menée depuis 1922 contre le régime de Benito Mussolini arrivé au pouvoir cette même année. Ce fut le cas de Gatto Alphonso qui par ses ardentes prises de position polémiques, comme écrivain, peintre ou critique, se manifeste un engagement concret qui se réalise dans sa participation directe à la Résistance.

 Il est considéré par ses pairs comme l'un des plus brillants auteurs de l'« hermétisme » (un style poétique italien de la première moitié du XXe siècle dans lequel les auteurs utilisent des analogies pour représenter la condition tragique de l'existence humaine, et pour se créer un espace intérieur libéré de la rhétorique fasciste). Il écrit en 1947 un recueil de poésie Il capo sulla neve ( la tête sous la neige) en utilisant des mots émouvants pour les « Martyrs de la résistance »


Per i compagni fucilati in piazzale Loreto ( Pour les camarades fusillés sur la place Loreto)

Et elle était l'aube, ensuite tout fut arrêté la ville, le ciel, le souffle du jour.
Ils restèrent les bourreaux seulement vivants devant les morts.
Ère silence, l'hurlement du matin, silence le ciel blessé :
silence de maisons, de Milan.
Ils restèrent des brutes même de seules, souilles de lumière et l'un aux autre odieux, les assassinats vendus à la peur.
Elle était l'aube, et où il fut travail, là où la place était la joie allumée de la ville migre à ses lumières de soir à soir, là où le même grince du tram était salue au jour, au frais visage des vivants, ils voulurent massacre pour que Milan avait à son seuil confondis tous dans un même sang ses fils promis et vieux coeur fort et réveille étroit comme un poing.
J'eus mon coeur et même votre coeur le coeur de ma mère


                                                                                               Gatto Alfonso8




La chanson:

Alors que des musiciens et des poètes mènent un combat non-violent contre l’Allemagne nazi, la chanson reste un moyen efficace pour exposer et propager ses idées. En effet,
La Seconde Guerre Mondiale a été le dernier grand thème d'inspiration des chansons en breton sur feuilles volantes avant qu'elles ne disparaissent. 

Alors qu'avant guerre, elles semblaient appartenir déjà au passé, elles ont comblé, en partie et pour un temps, le besoin des bretons " d'en bas " de témoigner dans leur langue de ce qu'ils avaient vécu au lendemain de cinq ans de guerre. Environ une trentaine de chanson ont été trouvé et publiée, la plupart à la libération de la Bretagne et certaine avant même la fin de la guerre en Europe tandis que d'autres sont restées dans l'oralité. Les principaux sujets de ces chansons populaires sont la défaite, les prisonniers, les restrictions et la guerre au quotidien.
Voici quelques extraits9 :

" Boch Kapout ! " par Ifik Moal, de St Pol de Léon (>1944).
An Almanted, tud diboell ../.. Leun o fenn gant avel
A zonjas eo ar brezel ../.. Rafe d'o bro sevel.
Les allemands, gens aberrants, du vent plein la tête
Pensaient que la guerre ferait grandir leur pays

" Chanson nevez vit diskleria tourment vras omp bro " Chanson nouvelle pour montrer le grand tourment de notre pays " par Yves Cesson (>1944).
Bean oa ive barz in Franz kalz eus ar pennou bras
Deva hoant da lakaat ho bro arre in esclavaj.
Il y avait aussi en France beaucoup de gros bonnets
Ils avaient envie de mettre de nouveau notre pays en esclavage.

" Soudarded an Diaoul " " Les soldats du Diable " par I. Moal (1945).
Tadou koz, merc'het ive bugale ../.. Zo bet c'hoaz fusiliet
Lakeat o deus skuilla mareat daelou ../.. A distrujet kalz a familiou.
Des grand-pères, des filles aussi, des enfants ../.. Ont été fusillés
Ils ont fait couler des flots de larmes ../.. Et détruit beaucoup de familles.

" Butun er marc'h du ", " Le tabac du marché noir " par R. Le Gac (>1944). 
La chanson met en scène un paysan à la recherche de tabac et un ouvrier de la Manufacture de Morlaix.




                                                                         Titres de chansons bretonnes


Encore une fois, la résistance par la chanson existe également en Italie avec des mélodies aujourd'hui devenu célèbres. Tout d'abord « il fscia il vento » ( siffle le vent ) est une chanson populaire écrite sur un thème russe pendant la Résistance en 1943 par Felice Cascione, un parolier soutenant la cause antifasciste.

Voici un extrait du texte puis la chanson  :

Fischia il vento, urla la bufera,
scarpe rotte eppur bisogna andar,
a conquistare la rossa primavera
dove sorge il sol dell'avvenir.

Se ci coglie la crudele morte
dura vendetta verrà dal partigian,
ormai sicura è già la dura sorte
del fascista vile e traditor.
Ormai sicura è già la dura sorte
del fascista vile e traditor.








Siffle le vent, hurle la tempête,
Souliers cassés et pourtant il faut continuer
Pour conquérir le printemps rouge
Où se lève le soleil de l'avenir

Si la mort cruelle nous surprend
Dure sera la vengeance du partisan
Il est déjà tracé le destin fatal
Du fasciste, lâche et traître.
Il est déjà tracé le destin fatal
Du fasciste, lâche et traître.






On discerne bien avec la force de ces mots révolutionnaires qui attaque directement le fasciste qualifié de lâche et de traître, le combat mené par l'auteur qui se veut toucher la population et l'espoir de voir la fin de la guerre : « avenir »,« vengeance », « destin fatal du fasciste ». Bien que celle-ci soit préférée par la résistance italienne, jugé trop communiste elle fut rejeté et c'est Bella Ciao qui fut choisi comme hymne de résistance.

Bien que représentant un nombre très restreint parmi les résistants, quelques musiciens, poètes ou écrivains ont fait le choix de combattre avec leurs arts et leurs mots, au péril de leur vie avec pour seul et même but de retrouver enfin leur liberté.


1 Le Conseil national de la Résistance était l'organe qui dirigea et coordonna les différents mouvements de la Résistance intérieure française pendant la Seconde guerre mondiale
.2 Jean Moulin (1899-1943) haut fonctionnaire et résistant emblématique de la Seconde guerre mondiale , créateur du CNR.
3compositrice française née à paris en 1910 et décédée à Strasbourg en 1999. En 1941, elle s'engage dans la résistance en fondant le front national des musiciens et publie à partir d’avril 1942 sa propre revue clandestine, Musiciens d'aujourd'hui.
4Chef d'orchestre et compositeur français né à Vichy en 1898 et mort à Paris en 1963.Pendant l'occupation il est membre du mouvement de résistance «  le front national des résistants » ( sans aucun rapport avec l'actuel parti politique)
5http://www.thyssens.com/06docu/listes_noires.php
6http://www.etudesdromoises.com/pages/pages_revue/resumes_d_articles/jean_bruller.htm
7http://museedelaresistanceenligne.org/media4913-Plaque-A
8http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/gatto/gatto.html
9http://follenn.chez.com/sgm.html





B) L’art pour soutenir

  Durant la seconde guerre mondiale, l’art, sous toutes ses formes, a pris une place importante au sein de la résistance. Pendant la résistance, l’art comme  les chansons, la musique ou bien encore la poésie, est un support universel et un très bon moyen de propagation des idées en France et à l’international. 
Elle a plusieurs objectifs, que ce soit pour jouer un rôle de soutien, notamment auprès des familles des victimes ou bien même de faire passer un message à la population concernée pour tenter de rester soudé. Ce soutien se manifeste sous différentes formes selon les périodes, soit par la nostalgie, ou la mise à l’honneur du courage des combattants ou en diffusant des messages d’espoirs.

La poésie, grâce au langage poétique que le poète adopte, permet une efficace diffusion du message car tout comme une chanson, un poème peut être facilement repris pour se donner du courage. Louis Aragon, écrivain et poète engagé né en 1897 est également connu pour le soutien qu’il a apporté au Parti Communiste Français. Il est aussi un membre de la CNE (Comité National des Ecrivains) qui est une organisation de résistance littéraire qui a pour but de diffusé la liste noire des écrivains collaborateurs (voir partie a). 

C’est en 1942 qu’Aragon écrit le poème Richard Cœur de Lion qui fait partie de son célèbre recueil Les Yeux d’Elsa. Lorsqu’Aragon écrit ce poème il est emprisonné à Tours pour avoir tenté de franchir la ligne de démarcation. Ce titre se réfère au nom d’un roi d’Angleterre qui lui aussi fut emprisonné durant la guerre de cent ans. Il fut libéré grâce à un troubadour qui lui entonna une chanson que le roi lui-même connaissait, pour lui avertir que quelque chose allait se produire, son évasion était proche.                                      
Le poème d’Aragon peut se diviser en deux parties, la première qui a une vision pessimiste, sombre et une deuxième avec un tout autre regard c’est-à-dire beaucoup plus positif. La transition entre ses deux points de vue est un extrait composé de quatre vers qui sont les suivants :


« Ils sont la force et nous sommes le nombre  
Vous qui souffrez nous nous reconnaissons                                                                         On aura beau rendre la nuit plus sombre                                                                              Un prisonnier peut faire une chanson »


Dans le premier vers de cet extrait, le « nous » désigne l’unité, le soutien. Ce vers a pour message de redonner espoirs aux résistants. Ce vers illustre aussi un combat qui n’est pas vain, il y a des chances de victoire, mais pour que cela se produise, il faut que la population reste soudé. Dans le dernier vers de cet extrait s’y trouve le mot « prisonnier », que l’on peut rapporter comme étant la France qui est elle-même prise au piège par les ennemis. 


Dans ce poème, deux vers énumères des classes sociales, « bergers », « savants ». Qu’elles soient plus modestes ou bien plus élevées. Puis dans le vers suivant, il conclut cette énumération avec « Tous les Français ». Sur ces mots, il appelle à l’union et à se soutenir les uns les autres.





Autre poète emblématique de la Résistance, Robert Desnos délivre à sa façon un message d’espoir avec son poème La Voix.[1]

La Voix

Une voix, une voix qui vient de si loin


Qu'elle ne fait plus tinter les oreilles,

Une voix, comme un tambour, voilée

Parvient pourtant, distinctement, jusqu'à nous.


Bien qu'elle semble sortir d'un tombeau

Elle ne parle que d'été et de printemps.

Elle emplit le corps de joie,

Elle allume aux lèvres le sourire.


Je l'écoute. Ce n'est qu'une voix humaine

Qui traverse les fracas de la vie et des batailles,

L'écroulement du tonnerre et le murmure des bavardages.


Et vous ? Ne l'entendez-vous pas ?

Elle dit "La peine sera de courte durée"

Elle dit "La belle saison est proche."
Ne l'entendez-vous pas ?

                                                             Robert Desnos - Contrée (1936-1940)


 2 Ci-dessus se trouve un poème de Robert Desnos. Cette œuvre est tirée de son recueil de poèmes Contrée est écrit entre 1942 et 1943. Desnos est un poète français né en 1900 à Paris. Vers les années 1940, sa lutte devient clandestine. Il écrit plusieurs poèmes, dont un en argot visant violement le général Pétain. Il choisit l’argot car les allemands ne pouvaient le comprendre. Il poursuit son combat contre le nazisme, sous des formes variées :

"Ce n’est pas la poésie qui doit être libre, c’est le poète."                                                                                                                                  Robert Desnos

En 1944, il est arrêté par la gestapo. Il va d’abord en prison, puis est embarqué nombres de fois entre différents camps de concentration. C’est le 8 juin 1945 qu’il meurt du typhus dans le camp de concentration de Theresienstadt en Tchécoslovaquie.
Ce poème s’adresse directement aux destinataires avec l’emploi du « vous ». On peut imaginer que La Voix est la voix de la résistance qui envoie un message d’espoir, de soutien en clôturant son poème par la métaphore « La belle saison est proche ». Le champ lexical du bonheur y est présent avec les mots « joie »,  « sourire » puis une simplicité enfantine dans la compréhension de par sa grammaire.    


                                                            

Dans un registre plus populaire des artistes passaient des messages de soutien via des chansons.

Par exemple c’est en 1942, que Charles Trenet écrit Douce France aux moments les plus obscurs de l’occupation. Surnommé « le fou chantant », Charles Trenet n’a que 30 ans mais est déjà un artiste influent quand la seconde guerre mondiale éclate. 
Il est connu essentiellement à cette époque comme acteur. Dans sa chanson Douce France, Trenet apporte un soutien moral aux prisonniers de guerre et aux travailleurs du STO (Service Travail Obligatoire). La population la reprend aussitôt comme hymne d’une sorte de résistance passive. Le titre de cette chanson fait référence à un lieu commun (cliché) sur la France qui fit son apparition vers 1080 dans « La chanson de Roland ». Douce France, est construite sur des accents de nostalgie et est avant toute chose une chanson à caractère sentimental. 
C’est une déclaration d’amour à la France éternelle :


« Oui je t’aime  


Dans la joie ou la douleur »

S’appuyant sur ses propres souvenirs d’enfances :

« Il revient à ma mémoire 
Des souvenirs familiers                                                                                                          Je revois ma blouse noire                                         
Lorsque j’étais écolier »

Il utilise également les pronoms possessifs « mon », « ma » à plusieurs reprises pour la description de son souvenir. Ce procédé permet une réappropriation de son pays d’avant-guerre.
A la libération, Douce France entre parmi les grandes chansons du patrimoine national et reste encore aujourd’hui, l’un de ses plus grand succès emblématiques de ce chanteur.




Autre soutien moral apporté aux Français, la radio de Londres.
A l’époque de la France occupée, il n’y a que deux radios, France-Vichy qui est la radio du gouvernement de Pétain et une radio allemande. Ces deux radios ne sont que propagande et il est strictement interdit d’écouter la radio de Londres (BBC) qui est considéré comme un outil de la résistance. Grâce à des diffusions d’informations comme « Honneur et Patrie » avec la voix du Général de Gaulle, la BBC est un soutien moral apporté aux français malgré l’interdiction formel de l’écouter.

Cette radio a permis la diffusion d’un des chants les plus symboliques de la période de la résistance. La Complainte du Partisan dont les paroles sont imaginées par Emmanuel d’Astier de la Vigerie et mis en musique par Anna Marly. Anna Marly, surnommée «troubadour de la Résistance », est compositrice de deux chansons symbole de la Résistance, La Complainte du partisan et Le Chant des Partisans. Pendant l’hiver de 1943, Anna Marly fredonne ce qui deviendra par la suite La Complainte du Partisan :

«C’était quelque chose de nostalgique, qui m’est venu en pensant à la France »                                                                                                     Anna Marly.

L’auteur de la chanson, Emmanuel d’Astier de la Vigerie, est journaliste et résistant de la première heure. Il crée un mouvement appelé « Libération du sud » et dirige un journal de résistance intitulé « Libération ». Il jouera par la suite un rôle clé dans la libération de la France.
La complainte du partisan s’appuie sur le quotidien du résistant s’engageant parfois seul. On se met à la place d’un partisan, pour faire honneur à ses choix douloureux, ses combats et ses malheurs. Ce chant met en avant le courage du partisan :

« Les All’mands étaient chez moi 
on m'a dit : Résigne toi !
Mais je n’ai pas pu                                                         
Et j’ai repris mon arme. »

Mais aussi la solidarité des français entre eux : 
                 
« J’ai perdu femme et enfant 
Mais j’ai tant d’amis                                                          
Et j’ai la France entière. »

Malgré un texte sombre, des touches de soutien et d’espoir viennent finir cette complainte avec la phrase :

« Et la liberté reviendra »

Aujourd’hui encore Anna Marly figure de la Résistance a été représenté par deux de ses airs, La Complainte du Partisan mais aussi Le Chant des Partisans lors de la cérémonie d’entrée au Panthéon de quatre grands résistants, le 27 mai 2015. La complainte du partisan a été sifflée comme un symbole. En effet la diffusion de cette chanson par la radio de Londres se fait de manière peut commune c’est-à-dire en sifflant, afin de contourner le brouillage des ondes par les allemands. Ainsi, toute la France occupée peut en reprendre le refrain.




Parmi les chansons populaires durant la période de la résistance il y a aussi Ceux du Maquis en 1944. Le terme maquis peut se référer à un groupe de résistants intérieurs ou bien le lieu où ils opéraient. Cette chanson fut écrite suite à une victoire en août 1944 dans l’Oisans qui opposait un groupe de résistants aux hommes de la 157ème division de réserve. Cette chanson est par déduction un chant de victoire :

« C’est le jour du débarquement 
Qui leur porte la victoire
Ils ont frappé les allemands                                                     
En plein jour en pleine gloire »

Ce chant possède de nombreux mots de soutiens tels que « courage », « bravant », « victoire » ou encore le mot « gloire ». Cette chanson s’adresse avant toutes choses de par son intitulé directement aux maquis avec le pronom démonstratif « ceux » mais aussi à toute personne ayant écouté ou bien lu ce chant.

Ainsi, la portée des messages quelques soit le support que les auteurs, engagés ou non, ont adoptés reste de manière générale, universelle. Ces messages porteurs d’espoir et valorisant les efforts de résistance ont joué un rôle fondamental de soutien auprès de la population civile ou militaire pendant les heures sombres de la guerre.



[1] http://bacdefrancais.net/voix.php
[2] http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Poesie-Gallimard/Contree-suivi-de-Calixto





C) L'Art une façon de rester libre

Poètes en résistance:

Entre 1940 et 1945 la censure est très présente en France. Il s'agit de la combattre ou du moins de la contourner, mais de manière discrète et légale, et notamment grâce à la « poésie de contrebande ». Celle-ci, définie par Louis Aragon, et désignée comme une arme car elle contient des allusions politiques. 
On pense par exemple au poème résistant Liberté de Paul Eluard.1
Paul Eluard est un pacifiste, dégoûté de la guerre après avoir été au front durant la Première Guerre mondiale : en combattant la mort et les atrocités liées à cette dernière, il cherche à donner un sens à sa vie. Durant l’occupation nazie, il fait partie de ceux qui ne se résignent pas, qui n’acceptent pas l'horreur. Paul Éluard est un poète qui donne espoir aux français. Il est considéré comme l'un des plus grands poètes de la Résistance. Sa lutte est toute aussi constante que sa poésie. 

Selon Éluard, la poésie est une entreprise de désaliénation. La poésie en devient donc « un art de langage, un art de vie, un instrument moral ». Il participe à la littérature clandestine de la CNE (voir I) a) ) dans la zone nord. Après la publication de son recueil Poésie et Vérité Eluard se cache dans un hôpital psychiatrique en Lozère et continue de publier jusqu'à la libération de la France en 1945.

Ecrit au départ pour la femme qu'il aimait, le poème d'Eluard paraît en juin 1942 sous le titre Une seule pensée, parvenant ainsi à contrecarrer la censure vichyste. Liberté est ensuite republié en 1942 sous son titre actuel et est parachuté dans toute la France en milliers d'exemplaires. Le poème provient du recueil Poésie et Vérité, publié la même année et composé de poèmes de lutte, en mémoire des combattants et pour entretenir l'espérance de la victoire.




Ce poème est un hymne à la vie et à l'amour. La liberté est présente dans des lieux réels : « sur mes cahiers d'écoliers » v 1 et dans des lieux imaginaires « sur les images dorées » v 9. Il y a également un équivoque car le poème est au départ écrit pour la bien-aimée de Paul Eluard et est finalement un des messages de liberté les plus percutants de la Seconde Guerre mondiale. En effet, le poème insiste sur la phrase « J'écris ton nom », qui revient à chaque strophe (anaphore), ce qui le rend marquant et plus facile à apprendre : comme une chanson.

Un autre pacifiste est poète de la Résistance : Robert Desnos.
Robert Desnos est un épris de liberté qui renonce cependant à ses idées pacifistes après la guerre d'Espagne : selon lui, la France doit faire la guerre pour résister au fascisme. Dès juillet 1942, Desnos devient actif au sein d'un réseau de résistance nommé « Agir ». Le 14 juillet 1943, est publié dans le recueil L'Honneur des poètes son poème célèbre Ce cœur qui haissait la guerre signé sous le pseudonyme Pierre Andier (ce dernier était un auteur qui a été déporté).
Ce cœur qui haïssait la guerre…

Ce cœur qui haïssait la guerre voilà qu’il bat pour le combat et la bataille !
Ce cœur qui ne battait qu’au rythme des marées, à celui des saisons, à celui des heures du jour et de la nuit,

Voilà qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines un sang brûlant de salpêtre et de haine.

Et qu’il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent,

Et qu’il n’est pas possible que ce bruit ne se répande pas dans la ville et la campagne,

Comme le son d’une cloche appelant à l’émeute et au combat.

Écoutez, je l’entends qui me revient renvoyé par les échos.

Mais non, c’est le bruit d’autres cœurs, de millions d’autres cœurs battant comme le mien à travers la France.

Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces cœurs,

Leur bruit est celui de la mer à l’assaut des falaises
Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un même mot d’ordre :
Révolte contre Hitler et mort à ses partisans !
Pourtant ce cœur haïssait la guerre et battait au rythme des saisons,
Mais un seul mot : Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères
Et des millions de Français se préparent dans l’ombre à la besogne que l’aube proche leur imposera.
Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté au rythme même des saisons et des marées,
du jour et de la nuit.

                                    Robert Desnos, 1943 (paru dans L’Honneur des poètes,
                                    édité aux Editions de minuit, voir I) a) )


On remarque que le mot « cœur » revient fréquemment dans le poème. Il désigne à la fois le cœur biologique, notamment lorsque Desnos déclare « Voilà qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines un sang brûlant » mais aussi le cœur poétique : il est l'organe qui insufle de la vie dans le poème. L'élan vital du poème est retrouvé dans la manière dont il est construit : son rythme évoque les battements du cœur. Le cœur devient donc dans le poème de Desnos, une allégorie de la poésie résistante. Ce cœur qui haissait la guerre est un poème engagé. Il y a un paradoxe entre les idées pacifistes de Desnos et le message du poème : en effet, celui-ci est épris de justice ainsi que de liberté et selon lui, il faut combattre pour les obtenir.

René Char (1907-1988) s'engage dans la résistance en 1940 sous le nom de capitaine Alexandre. On le dit épris de liberté et très impliqué à la fois politiquement et historiquement. Il refuse de publier pendant l'occupation mais écrit des notes dispersées et des bribes de récits qui sont réunis dans Les Feuillets d'Hypnos, un témoignage de la résistance et un portrait du résistant lui-même.
Lecture du fragment « 128 » des Feuillets d'Hypnos par Jean Vilar :


Liberté dite liberté de la presse. L'art et la littérature sont aussi présents dans la presse clandestine.
Les écrivains français sont, pendant la période 1940-1945, victimes de la répression.

Jacques Decour :
Daniel Decourdemanche (de son vrai nom) est le plus jeune rédacteur de la NRF, Nouvelle Revue Française, et l'un des premiers à rédiger un roman sur la montée du nazisme : Philisterburg en 1932.
Hélas son œuvre n'empêche pas l'arrivée d'Hitler au pouvoir et ainsi fonde en octobre 1940 L'université libre, puis La pensée libre en février 1941 en collaboration avec Georges Politzer (philosophe) et Jacques Solomon (physicien).

Puis en 1942 il conçoit avec Jean Paulhan le premier journal clandestin littéraire : Les lettres françaises. Ce journal réunit le travail d'auteurs résistants comme Blanzat, Martin Chauffier, Éluard, Guehenno, et Paulhan. Malheureusement Decour est arrêté par la milice avant de pouvoir publier et le premier numéro des Lettres françaises est détruit.

«Je me considère un peu comme une feuille qui tombe de l'arbre pour faire du terreau. La qualité du terreau dépendra de celle des feuilles. Je veux parler de la jeunesse française»                                                                     
                                                 Extrait de la lettre d'adieu de Jacques Decour.

Malgré l'arrestation et la mort de Decour, la publication des Lettres françaises a quand même lieu fin 1942, notamment grâce à Jean Paulhan. Ce dernier joue un rôle important : les principaux choix éditoriaux à Paris dépendent de lui. Il est directeur de Gallimard et l'un des inventeurs de de la presse littéraire résistante (nb : Les lettres françaises). Il est un moteur de la résistance littéraire entre 1940 et 1944, Malraux dit de lui qu'il « est la Résistance ».


(1er numéro des Lettres françaises publié le 1er septembre 1942)

Il y a sa propre liberté mais aussi celle des autres.
Marianne Cohn (1922-1944) , alias Colin, est une allemande qui entre en résistance en 1941. D'origine juive, cette dernière a pour tâche de faire passer des enfants juifs vers la Suisse. En 1943, Colin est faite prisonnière pendant 3 mois. On soupçonne qu'elle a écrit son poème Je trahirai demain durant cette période. Elle est arrêtée en 1944 lors d'un chargement d'enfants (une trentaine) probablement après avoir été dénoncée. Mme Cohn ne dévoile rien malgré la torture, à l'image de son poème lorsqu'elle dit :

« Je trahirai demain pas aujourd’hui.
Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,

Je ne trahirai pas. »

Elle est finalement assassinée par la Gestapo à l'âge de 22 ans.

La musique, une forme de liberté:

Claude Delvincourt (1888-1954) est le directeur du conservatoire de Paris de 1941 jusqu'à sa mort. Pendant l'Occupation, il participe au Front National des musiciens (voir I) a) ) et il forme l'orchestre des Cadets du Conservatoire avec des élèves soustraits aux S.T.O : ainsi, il arrive à convaincre les autorités allemandes que les musiciens s'acquittent de leurs obligations. Cependant en 1944, la ruse est découverte par les allemands et Delvincourt doit disparaître tout en aidant ses élèves à entrer dans la clandestinité. La dernière œuvre que ce dernier a composé se nomme Quatuor à cordes.

Hymnes de la Résistance

Chant de la Libération ou Chant des partisans :

Composé en 1941 sur un texte russe, la Marseillaise de la Résistance (autre surnom) est due à Anna Marly, émigrée russe. Les paroles sont ensuite traduites en français en 1943 par Joseph Kessel, d'origine russe, et Maurice Druon : (strophe 1)

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines?
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu´on enchaîne?

Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c´est l´alarme.

Ce soir l´ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes.

Montez de la mine, descendez des collines, camarades !

Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades.

Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite!

Ohé, saboteur, attention à ton fardeau : dynamite...

C´est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères.




Au début, le chant rappelle la situation désastreuse dans laquelle se trouve la France pour finir sur un appel à la lutte : « montez de la mine » v5 ou « tuez vite ! » v7. On remarque l'utilisation de l'impératif. Cependant l'anaphore « Ami, entends-tu » aténue le côté autoritaire de la chanson pour insister sur la nécessité d'être entendu par un nombre plus important.

Le Chant des partisans est considéré comme l'hymne français de la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale est a été repris par de nombreux chanteurs comme Joséphine Baker ou Mireille Mathieu.





« Emblème de la Résistance française »

Croix de Lorraine

Jean Moulin (résistant)


Interprétation du Chant des partisans, chanteuse inconnue :



Bella Ciao :

A l'origine, Bella Ciao est un chant de protestation des piqueuses de riz, installées dans l'Italie du Nord, pour dénoncer leurs conditions de travail. Pendant la Seconde Guerre mondiale, en 1943, les paroles ont été modifiées pour faire de l'air initial un chant de lutte contre le fascisme et qui se propagea dans toute l'Italie de bouche à oreille.
Bella Ciao est un chant de révolte qui encourage l'engagement dans le combat mené par les partisans contre les troupes allemandes de la RSI (République Sociale Italienne) au cours de la Guerre civile. Depuis 1963, le chant est interprété partout dans le monde comme un hymne à la résistance.

Bella ciao, traduit en français par:

Un beau matin, je me suis levé,
O bella ciao, bella ciao, bella ciao, ciao ciao,
Un beau matin, je me suis levé,
Et j’ai trouvé l’envahisseur.
O partisan, emmène-moi loin d’ici,
O bella ciao, bella ciao bella ciao, ciao ciao,
Et si je meurs en partisan,
Tu devras m’enterrer.
Tu m’enterreras là haut dans la montagne,
O bella ciao, bella ciao, bella ciao, ciao ciao,
Tu m’enterreras là haut dans la montagne,
A l’ombre d’une belle fleur.
O bella ciao, bella ciao, bella ciao, ciao ciao,
Ca c'est la fleur du partisan mort pour la liberté.

La chanson commence avec l'objectif de dénoncer l'Italie fasciste sous la dictature de Mussolini, puis très vite on comprend que le personnage serait prêt à mourir pour que l'Italie retrouve sa liberté.

Yves Montand chantant Bella Ciao :



1Sources pour la biographie et l'analyse : ac-grenoble.fr , bacdefrançais.net/liberté.php ,
2 Source : eduscol.education.fr




II/ Dans les camps

A) Lutter contre la déshumanisation

« Tous les soirs, couché sur ma paillasse, je me demande combien de temps je vais pouvoir tenir. »
                         anonyme

Auschwitz, Sobibor, Buchenwald, trois noms qui résonnent dans les esprits  parmi des dizaines d'autres camps de concentration et d'extermination entrainant la mort de 550 000 personnes. Impossible de se mettre à la place des victimes pour imaginer les abominations qu'ils s'y passaient malgré les témoignages reçus des survivants bien après la guerre. Relégués au rang d'animaux dans des conditions effroyables certains artistes amateurs ou professionnels ont pourtant trouvé la force de continuer à lutter contre cette déshumanisation grâce à la musique ou aux mots qui laissèrent des témoignages poignants.

La poésie est un art omniprésent dans les camps. Même si les écrits retrouvés sont pour la plupart des petites notes écrites sur des bouts de papier subtilisés aux nazis, tous témoignent, plus que d’une volonté de communication, d’une véritable volonté de témoignages. Une fois de plus, ici, les conditions de réalisation et de conservation de ces œuvres sont difficiles voir impossible. Par ailleurs, encore aujourd’hui, ils sont d’une aide précieuse aux historiens dans leur travail de reconstitution chronologique et historique.
Ecrire dans les camps relevait de l'exploit tant physique et matériel que moral et intellectuel les tortionnaires bafouant tous les droits et toutes les dignités associées à la condition humaine. En voici quelques exemples :

Dora :

Tel du bétail, 
Nous dormons dans des trous,
Pour nous, le soleil ne brille pas. 
Pour nous aucune étoile ne s’allume.
 Pour nous, il n’y a que des roches abruptes,
 Des murs froids et morts. 
Les machines à forer la montagne grondent sans répit. 
C’est infernal.
L’air est lourd. 
Et, dans les ténèbres des galeries, 
La poussière empoisonnée 
Colle comme un meurtrier à nos talons, 
Comme un couteau tranchant 
Elle entaille nos poumons,
 Enlève les couleurs de nos joues, 
Brouille nos yeux 
Et couvre nos vêtements et nos cheveux 
D’un gris uniforme.
Nous n’avons pas le temps de nous plaindre 
Encore moins d’enlever de nos yeux 
Cette poussière collante. Nous ne sommes que des ombres, 
Des silhouettes aux joues creuses 
Qui vont au-devant de la mort dans les catacombes. 
Le désespoir, l’angoisse 
Rongent sans cesse nos cœurs comme des loups affamés. 
Des prières expirent 
Et se brisent sur les rochers insensibles.

Stanislas Radinecky


Ce poème montre bien les conditions particulièrement dur des camps qui concentraient des êtres humains démunis, affamés et désespérés. L'enfer de cette vie est mis en valeur par un vocabulaire négatif et par l'omniprésence de la mort « morts », « meurtrier ». Comparés à du bétail, il perdent petit à petit leur humanité cernés par des « loups affamés ».

Maurice Honel est un homme politique français né le 24 mars 1903 à Paris et décédé le 25 octobre 1977 à Paris. Résistant, il est arrêté en 1943 et déporté à Auschwitz ou il écrit plusieurs poèmes dont « La faim »


La faim,

Le pire, c'est la faim,
Avoir faim, attendre la coulée chaude.
Le pire, c'est le froid,
Le froid quand on a faim,
Le froid des affamés qui tendent l'écuelle
Attendant tout du temps,
N'attendant rien d'eux-mêmes.
Le pire, c'est les coups,
Les coups dans les reins.
C'est aux reins que les genoux s'articulent.
Douleur des coups, des corps sans genoux,
Douleur aux reins après deux heures d'appel,
Coups au réveil.
Le pire c'est savoir
Qu'on ne sait pas quand ça finira,
Au matin de la libération
Où chaque soir du désespoir.
Le pire, c'est le voisin
Qui tend sa face.
Et sous nos yeux s'entrechoquent les dents.
Le pire, c'est qu'on marche à reculons
Dans des souliers pour
Géants,
Et que la nature nous coupe l'appétit.
Et nous faisons des pas petits petits
Comme des enfants
Rêvant d'espaces
Plus grands
Le pire, c'est le pyjama rayé
Pour affronter la nuit polaire,
Et tout ce que cette étoffe légère
Peut garder des seaux d'eau
Printanière.
Le pire, c'est d'être ici.
Le pire, c'est d'y penser.
Le pire, c'est d'écouter
Le temps qui ne s'écoule pas.

                                                                 Maurice Honel, Auschwitz-Birkenau



                                                          Maurice Honel

Micheline Maurel (1916-2009).est professeur de lettres à Lyon en 1941-1942. Entrée dans la Résistance, elle fut arrêtée et déportée, en 1943, à Neubrandebourg, près de Ravensbrück. Elle y resta vingt mois.

 "Au camp, j'écrivais des vers... Malgré leur maladresse, ils exprimaient sous forme rythmée et rimée, ce que toutes les prisonnières éprouvaient..."
                                                                                            Micheline Maurel


Il faudra que je me souvienne

Plus tard, de ces horribles temps,
Froidement, gravement, sans haine,
Mais avec franchise pourtant.

De ce triste et laid paysage
Du vol incessant des corbeaux,
Des longs blocks sur ce marécage,
Froids et noirs comme des tombeaux.

De ces femmes emmitouflées
De vieux papiers et de chiffons,
De ces pauvres jambes gelées
Qui dansent dans l'appel trop long.

Des batailles á coups de louche,
À coups de seau, á coups de poing,
De la crispation des bouches
Quand la soupe n'arrive point.

De ces "coupables" que l'on plonge
Dans l'eau vaseuse des baquets
De ces membres jaunis que rongent
De larges ulcères plaqués.

De cette toux á perdre haleine,
De ce regard désespéré,
Tourné vers la terre lointaine,
O mon Dieu, faites-nous rentrer!...

Il faudra que je me souvienne...

Micheline maurel (Automne 1944)


Contrairement aux autres formes de résistance artistique, la musique a été relativement peu utilisée. Mais malgré les nombreuses difficultés, la résistance musicale n’est pas un phénomène inexistant. En effet, à défaut de jouer de la musique, certains déportés ont été en mesure d’en écrire et d’en composer.

Germaine Tillion (1907-2008) est ethnologue de formation. De retour en France après une formation en Algérie au moment de l’armistice de 1940, son premier acte de résistance est de donner les papiers de sa famille à une famille juive qui sera ainsi protégée jusqu’à la fin de la guerre.
Dénoncée, Germaine Tillion est arrêtée le 13 août 1942, et déportée le 21 octobre 1943 à Ravensbrück. Elle y perd sa mère, grande résistante, déportée en 1944 et gazée en mars 1945. Pendant son internement au camp, elle écrit sur un cahier soigneusement caché, une opérette Le Verfügbar aux Enfers. Elle décède le 19 avril 2008 à Saint-Mandé dans le Val-de-Marne.


Manuscrit du Verfügbar aux Enfers, début du 1er acte. Dessin de France Audoul, une codétenue. ( Exposition Quatre vies en résistance au Panthéon, 2015, Centre des monuments nationaux).

« Verfügbar » en allemand signifie détenu « disponible » et se rapporte à des personnes qui n'étaient pas affectées à un Kommando et qui se devaient donc d'effectuer les pires travaux au sein du camp. Le titre fait également référence à « Orphée aux enfers », un opéra-bouffe, c’est-à-dire un opéra traitant d’un sujet comique, créé en 1858, sur une musique d’Offenbach.
Si ce titre fait référence à une œuvre comique, c’est que l’opérette de Germaine Tillion, bien que traitant d’un sujet dramatique, l’est également. En effet, elle décida de se servir du rire comme moyen d’évasion de la condition de déportée. Ainsi, chaque soir, elle lisait ce qu’elle avait écrit à ses compagnes, que cela faisait rire, lui fournissant ainsi à nouveau de la matière pour écrire le lendemain.
Cette opérette est donc l’histoire de femmes dans un camp de concentration qui décident de se moquer de leur condition et de leur tortionnaire. Germaine Tillion a pour cela écrit des chansons à ses personnages, sur des airs gais et entraînants de son époque. Le but est de faire prendre conscience de leur situation à ses compagnes tout en leur permettant de la voir à distance et de pouvoir affronter leur enfermement avec détachement et humour. « Grâce au rire, ils ne pourront pas nous déshumaniser complètement », dit-elle.
Œuvre unique, « le Verfügbar aux Enfers » ne sera pourtant publié pour la première fois qu’en 2005 et mis en scène au théâtre du Chatelet qu’en 2007.

                    

Extrait du Verfügbar aux enfers : "Sans y penser"



D'autre compositeurs on pu continuer à composer dans les camps avec l'objectif de laisser une trace en continuant à vivre en tant qu'humain et artiste. C'est le cas d'Olivier Messiaen compositeur de nationalité française né en 1908 et mort en 1992. Il est fait prisonnier puis transféré au camp de concentration Stalag  en Pologne en 1940. C’est là, grâce à la complicité d’un officier Allemand, qu'il composa et fit jouer avec des instruments de fortune en plus ou moins bon état, une des oeuvres majeures de la musique du XXème siècle « Le quatuor pour la fin du temps »

 Le quatuor pour la fin du temps est une oeuvre pour violon, clarinette, piano et violoncelle. Selon Messiaen, le titre de l'oeuvre fait référence à un ange de l’apocalypse dont celui-ci a rêvé durant sa captivité. L’ange annonçait la fin du temps c'est-à-dire la fin de la dimension humaine, l’entrée dans l’éternité. « Lorsque j'étais prisonnier, l'absence de nourriture me donnait des rêves colorés : je voyais l'arc-en-ciel de l'Ange, et d'étranges tournoiements de couleurs » disait Messiaen à propos de son quatuor.

Extrait du quatuor pour la fin du temps : Danse de la fureur pour les sept trompettes, sixième mouvement :





Le 15 janvier 1941, environ 400 prisonniers et gardes du camp de Stalag sont rassemblés
pour entendre la nouvelle œuvre puissante du prisonnier de guerre Olivier Messiaen « Quatuor pour la fin des temps » joué par Messiaen lui même au piano accompagné par
trois camarades de prison : Henri Akoka à la clarinette, Jean Boulaire au violon et Étienne Pasquier au violoncelle. Messiaen Dit de cette première prestation, " Jamais une œuvre ne fut écoutée avec une telle attention passionnée et une telle compréhension."1

Certains musiciens comme présenté ci dessus continuèrent à composer dans les camps mais d'autres ont pu continuer à faire vivre leur musique par des rassemblements d'artistes et d'intellectuels dans les ghetto-camps comme ce fut le cas à Terezin. Dans ce camps, une vie artistique et musicale beaucoup plus conséquente que dans les autres camps a été possible.
En effet, de nombreux musiciens ont été dispensés de travail, ce qui leur a permis de se consacrer davantage à la composition ou à l’interprétation de répertoires variés ; ensuite, les activités artistiques et culturelles, bien que soumises à la censure, ont reçu, dès 1942, l’accord officiel des autorités nazies. 

L’introduction de la musique s’est faite tout d’abord naturellement à Terezin, par l’intermédiaire des premiers déportés, envoyés pour transformer la citadelle en véritable camp. Clandestins durant les premiers mois , les concerts sont rapidement découverts par les nazis qui, au lieu de réprimer cette tentative de survie culturelle les tolèrent, considérant les artistes et leur public comme en état de sursis par rapport à la déportation et l’extermination future à Auschwitz. « La musique adoucit les moeurs » et l’esprit révolté : c’est dans cette idée que l’existence d’une vie musicale est ensuite conçue par les nazis.
Enfin, avec la création officielle de la Freizeitgestaltung (« Administration des loisirs ») en 1942, toutes les activités culturelles eurent l’approbation des Allemands, encore que, parfois, elles aient été entravées par la censure nazie. Au-delà de l’apparente liberté d’expression donnée aux prisonniers, c’est toute une démarche de propagande pro-nazie qui se met progressivement en place, les artistes juifs permettant, contre leur gré, d’accréditer les affirmations sur la qualité de vie dans les camps et il n'empêche que Terezin fut une antichambre d'Auschwitz. En ce qui concerne la musique, des œuvres importantes furent écrites dans l'urgence. Parmi ces œuvres on en trouva une quinzaine écrites par Viktor Ulmann dont la plus célèbre est L'Empereur d'Atlantis2, puis des œuvres de Pavel Haas, Gideon Klein ou encore Hans Krasa.3

« J'ai combattu, je combats contre l'oubli. C'est là notre devoir le plus important, si nous voulons éviter à nos descendants de vivre ce que nous avons vécu. »
inconnu


1http://classicalconditioningblog.tumblr.com/post/73466763769/on-january-15-1941-some-400-prisoners-and-guards
2Voir II/ B
3Sources : http://www.musicologie.org/publirem/petit_elise_musique_religion.html
Journal:Le Patriote Résistant, Spécial Concours national de la Résistance et de la Déportation 2015-2016


B) Fuir la réalité

L’écriture pour les prisonniers dans les camps, était un des rares moyens qu’ils ont trouvés pour s’évader de toute cette horreur. Les souffrances étaient tellement présentes, que l’écriture était un exutoire puissant, leur permettant de rester humains bien qu’étant cerné de tant d’atrocité.
La poésie permet l’expression de vives émotions par la beauté du langage.
Durant la période 1943-1945, Damien Sylvere, alors déporté dans le camp de Buchenwald écrit Chanson d’automne.

Chanson d’Automne [1]

C’est la chanson d’Automne, Un peu triste pourtant. Le temps fuit et nous donne, Le regret du printemps ! Car sans répit il coule, Brassant les heures passées, Comme le pas qui foule, Les feuilles entassées.
Avons-nous su saisir, Des corolles fragiles : Le parfum, le plaisir, Comme l’abeille agile ? Peut-être reste-t-il Une goutte de miel, De ce doux mois d’avril
Où nous combler le ciel ? Déjà la brise et fraîche, Et s’en va l’hirondelle ! L’herbe du square et sèche, Dégarnie la tonnelle. Et mon cœur douloureux, De voir s’enfuir mon rêve, Songe à ces jours heureux, Aux extases si brèves !

 Ce poème illustre l’évasion de l’auteur dans la nostalgie de son passé et dans sa liberté révolue qui sont représentés par le printemps. Il veut fuir cet enfer qu’il vit chaque jour, enfer qui est définit par le mot « automne » qui est d’autant plus fort car il se trouve dans l’intitulé de ce poème. Le poète fait aussi référence à la fuite du temps au travers du cycle des saisons de la nature.

Autre poème nostalgique :

Le poème Trois Amis [2] écrit en 1945 est l’œuvre de Serge Smulevic né en avril 1921 à Varsovie. Avec sa famille, il arrive en France en 1923. En 1942, il entre dans la résistance et est envoyé à Nice où il fabrique de faux papiers pour des enfants cachés. Suite à sa dénonciation en 1943 de sa logeuse, il est embarqué vers le camp de Drancy, puis plus tard à Auschwitz. C’est là que Serge Smulevic écrit donc son poème Trois Amis. 
Le poète raconte leurs passés dans leurs villes respectives : « Paris, Kiev, Cracovie, »
Un passé qui est donc révolu mais heureux, pleins de bonheurs, illustrés par des mots tels que « rêves », « amour » ou bien encore « bon temps ». 
Il parle de la ville de Cracovie comme étant une ville pleine de vie avec le vers suivant :
« Cracovie, Craco… vie »
Il veut fuir l’horreur de la mort de ces amis en parlant de leurs villes si belles, de leurs bonheurs qu’ils ont vécu dans ces villes et tout cela avec nostalgie.

D’autres poèmes font allusion à la nostalgie du passé en évoquant des souvenirs et des paysages d’antant.



Rimes



Tandis qu’un noir chagrin me mine
Je m’évade en cherchant des rimes
Des sapins j’aperçois la cime
Et revois un discours intime,
Le vieux pin tordu par le vent
Qui ombrageait comme un auvent
La pelouse au soleil couchant,
Le vieux mur qui s’en va penchant
Vers la falaise broussailleuse
Et la bise siffle railleuse
Dans les ronces et les ajoncs.

Ce poème est écrit en 1945 à Ravensbrück par Denyse Clairouin. Résistante de la première heure, elle est arrêtée par la gestapo en octobre 1943. Elle est déportée le 15 mars 1944 à Ravensbrück et y meurt le 11 mars 1945 à l’âge de 45 ans.                                    
Dans ce poème, elle tente de s’évader par l’écriture :
« Je m’évade en cherchant des rimes »
Vers un paysage sans doute familier :
« Et revois un discours intime,                                                                                               Le vieux pin tordu par le vent »
Elle se remémore des sensations par la vue, l’ouïe (« siffle »), le toucher (l’effet de « la bise »), ce qui l’aide à conserver une part de son humanité que l’on tente de lui arracher.

Les deux poèmes qui vont suivre abordent le thème de la nature mais dans le moment présent et dans ce qui entourent leurs auteurs.



[3]Le ciel, le même partout, est limpide et vaste, 
Le soleil, le même partout, se pare d'or,

La forêt, la même partout, est verte,

Et partout, en tout temps, le soleil se couche en rouge,

Tout dans la nature est étonnamment beau

Et seule la vie est une illusion




[4]Le poème ci-dessus est l’œuvre du poète Jerzy Henrik Orlowski, plus connu sous le nom de Uri Orlov datant de 1944. Il n’a que 12 ans quand il est envoyé à Bergen-Belsen. A l’âge de 13 ans il écrit quinze poèmes, débordant de maturité, sur l’espérance qu’un autre monde revienne :

"J'ai écrit les poèmes dans des élans de soudaine inspiration", écrira-t-il plus tard.  
                                                   
Le poème ci-dessus est l’un de ses quinze poèmes écrit à Bergen-Belsen en 1944. Malgré un quotidien des plus horribles, il arrive à montrer toutes les belles choses de la nature avec « le ciel », « le soleil » ou encore « la forêt » pour s’échapper de sa réalité. Il accentue le fait que la nature est la même partout et que tout y est « étonnamment beau ». Mais que « la vie est une illusion » dans le monde dans lequel il se trouve.



                                                                  Extrait du carnet d’Uri Orlov

Rubinstein-Virolleaud fuit lui aussi l’horreur des camps en se concentrant sur la nature. Il écrit à Auschwitz un poème portant le nom de L’appel du matin. Cet ouvrage fait partie des textes choisi par Yves Ménager dans Paroles de déportés.                                                                                               
Le poète fait une description du levée du soleil le matin sur le camp d’Auschwitz. Malgré la description de l’auteur sur l’horreur de son quotidien :

« cette terreur                                                                                                                         les nazis et leurs camps                                                                                                        les crématoires fumants »

L’auteur se concentre sur le peu de nature qu’il arrive à voir, en l’occurrence le soleil, « si beau » « sur toute cette laideur ». Et le réconfort que cela lui procure. 

« Soudain jaillit derrière le mirador                                                                                          un grand rond d’or »

Il arrive à fuir sa réalité à l’aide des mots « rêves » et « portes de rêves » pour finir avec un message positif et plein d’espoir :

« il existe encore                                                                                                             Liberté Esprit Beauté                                                                                                           Joie féconde ! »

Certains poèmes sont des moyens de faire passer un message et de s’évader.



Je voudrais aller seule


 Je voudrais aller seule vers d’autres gens meilleurs, au hasard, dans l’inconnu, où nul ne tue personne. Peut-être arriverons-nous en foule jusqu’à ce but rêvé, qui sait ? Des milliers peut-être, et pourquoi pas très vite ?                         
Ce poème est écrit par Alena Synkova née à Prague le 24 septembre 1926 et arrivée au ghetto le 22 décembre 1942. Elle a survécu à la déportation. La date de ce poème n’est pas connue, mais l’on peut imaginer qu’Alena Synkova l’a écrit dans le ghetto.                                                        
Ce poème intitulé Je voudrais aller seule, est un message d’espoir d’un monde meilleur « où nul ne tue personne ». Elle voudrait partir seule mais a un désir d’humanité, malgré ce qu’elle vit. Ce poème se détache des autres car, pour la plupart, il y a un désir de fuir par la nature, seul, alors que dans ce poème, l’auteur souhaite partir seule, mais dans le but de retrouver d’autres personnes.
Un poème peut aussi rendre hommage à un être cher. On peut fuir sa réalité en narrant l’histoire de quelqu’un d’autre.

Comme pour la poésie, la musique est un moyen de fuir la réalité que les prisonniers subissent au quotidien. La musique arrive à faire ressentir et à partager des sentiments.

Pour exemple, L’Empereur d’Atlantis [5]ou Le refus de la mort, est un opéra de Viktor Ullmann en un acte et composé de quatre tableaux. Cette œuvre est écrite dans le camp de concentration de Theresienstadt en 1943 et demeure inachevée car son auteur est mort dans ce camp. Un empereur devenu fou instaure une guerre totale qui a pour but de décimer toute la population mais la Mort refuse de participer à ce projet. En transposant la situation réelle de la guerre dans son opéra et en faisant abdiquer la Mort, l’auteur s’engage dans une sorte de résistance.

[6]C’est dans le même camp que Gidéon Klein écrit Trio à cordes en 1944. Il est né en Moravie le 6 décembre 1919. En 1941 il est envoyé au ghetto de Terezin. Le 16 octobre 1944, Klein est déporté à Auschwitz comme tout le reste de sa famille. En raison de sa jeunesse, il est assigné aux travaux forcés dans les mines de charbons de Fürstengrube, qui sont gérées par les autorités du camp d'Auschwitz.                                                
Le Trio à cordes est composé d’un alto, d’un violon et d’un violoncelle. Il comporte notamment dans le second mouvement une variation d’un chant hébraïque intensément émouvante.




En conclusion, l’art sous toutes ses formes, permet une évasion de l’enfer des camps. Mais cela permet aussi de faire un témoignage de la vie que les prisonniers menaient dans les camps à l’époque de la seconde guerre mondiale. L’art dans sa globalité, a aidé les prisonniers des camps à supporter l’horreur de leur quotidien. Malgré la présence constante de la mort, leurs poèmes ou œuvres musicales traduisent leur combat et l’amour pour la vie ainsi qu’un grand sentiment d’espoir d’un monde nouveau.



[6] http://www.musicologie.org/Biographies/k/klein_gideon.html


C) L'art un moyen de rassembler les individus

La musique est un art que l'on peut partager, qui devient collectif dans le cadre par exemple d'une chorale, d'un trio ou d'un orchestre.

L'orchestre des femmes d'Auschwitz :

Cet orchestre féminin est créé en juin 1943 au sein du camp d'Auschwitz à la demande d'un SS, par Zofia Czajkowska, une polonaise qui exerce, avant d'être déportée le métier de professeure de musique. Une place dans l'orchestre permet d'échapper non seulement aux chambres à gaz mais aussi aux travaux forcés.
L'orchestre a 2 fonctions. La première est de cadencer le rythme des pas des femmes qui partent au travail le matin et qui en reviennent le soir pour rendre plus facile aux nazis la tâche qu'est de les compter. La seconde est de divertir les SS.
Malgré le fait que l'orchestre des femmes d'Auschwitz ai été créé sous ordre des SS, il permet un rapprochement entre les femmes (on pense à Violette Zylberstein1 et son amie Hélène) et un échappatoire à l'horreur omniprésente que représente le camp.




          Auteur anonyme, Orchestre féminin à


                              Auschwitz, date inconnue




Les chorales :

« Beaucoup de chorales ont été crées dans les camps. Le dimanche, on avait la permission, au camp de Sachsenhausen2 , de chanter en cœur. Comme la musique est le moyen le plus favorable pour rassembler, nous avions monté des chorales dans tous les Kommandos. Ces chorales entonnaient des chants régionaux, des chants folkloriques de la France entière : Petit Quinquin à Jeanne La Lorraine, à le beau ciel de Pau, le répertoire marseillais et provençal. Le repértoire comprenait des compositions des chansonniers de Montmartre. Tout cela créait une bouffée d'air frais, une boufée d'espoir dans le camp. »

Témoignage de Charles Désirat3, dans Actes du colloque Créer pour survivre


Le chant de Pithiviers ou Notre courage n'est point brisé :

Le camp de Pithiviers est un camps de transit situé dans le département du Loiret. Situé au Nord-Ouest de Beaune-la-Rolande (autre camp de transit du même département), le camp de Pithiviers est au départ construit au début de la Seconde Guerre mondiale pour y interner les prisonniers de guerre allemands. 
Après le 22 juin 1940, le camp est finalement utilisé pour déténir des prisonniers de guerre français (étant situé dans la zone occupée).
Puis le gouvernement de Vichy le transforme en camp de transit pour les Juifs raflés.

La 1ère rafle de juifs étrangers en France a lieu en 1941 : 3700 hommes (presque tous polonais) sont internés au camps de transit de Beaune-la-Rolande et Pithiviers.
Des comissions culturelles se forment. Celles-ci sont crées pour « relever le niveau général de culture des internés » et pour garder le fol espoir de s'en sortir. Le compositeur Mendel Zemerman ainsi que le poète Israël Cendorf font partie de ces comissions. Dans le camp, il y a des soirées ou matinés organisées durant lesquelles on chante, on fait du théâtre, on lit de la poésie, ou on débat sur un thème (nb: le « on» désigne les internés). Mendel Zemerman y créé même une chorale.
Israël Cendorf (poète) reçoit même un prix de cette comission : ce dernier va de baraque en baraque pour remonter les moral des autres prisonniers en lisant des poèmes.
En 1942, les deux hommes cités ont encore de l'espoir. Ensemble, ils forment le chant de Pithiviers : l'un compose la musique, l'autre écrit les paroles.

Le chant de Pithiviers devient un hymne. Nombreux sont les prisonniers qui le chantent avant de rentrer dans les chambres à gaz à Auschwitz ou Birkenau.

Le chant de Pithiviers interprété par Jacinta : (voir 1'40) 


Le camp de Pithiviers est évacué en octobre 1943 pour devenir un camp de concentration pour des détenus politiques.

Paroles traduites du yiddish par Charles Dobzinski :

Vois le monde qui bourgeonne
Quand revient ce mois de mai,
En chœur, tous les hommes entonnent
Le chant qui parle de liberté.
Refrain
A la maison, solitaires,
Nous attendent femmes et enfants.
Loin de nous, parfois ils désespèrent,
Mais bientôt reviendra le printemps.
Refrain
Elle est vieille cette histoire,
Qui divise Juifs et Chrétiens.
Quand viendra l'heure de la Victoire,
Tous les hommes se prendrons par la main.
Refrain
Vers le ciel, nos voix altières
Lancent très haut notre chanson.
Notre espoir va conquérir la terre
Vois, le soleil monte à l'horizon.
Refrain
Refrain
Tous uni avec courage,
Nous défions notre destin.
Nous savons qu'après l'orage,
Le soleil luira sur nos chemin.

Les paroles de la chanson sont à l'image de l'état d'esprit du poète et du compositeur car elles parlent de courage et d'espoir. Selon eux, tout cela n'est qu'une passade et bientôt « tous les hommes se prendront par la main ».

 
Photographie du camp de Pithiviers


Un autre chant yiddish de la même période : Zog Nit Keynmol.

Il est écrit un an après Le chant de Pithiviers par Hirsch Glick, un jeune juif détenu au ghetto de Vilnius. Pendant la guerre, il est l'hymne de différentes brigades de partisans juifs. Aussi connu sous le nom de Chant des Partisans , il est peut-être le plus connu des chants Yiddish créés pendant l'Holocauste. Zog Nit Keynmol est basé sur une mélodie préexistant écrite par le compositeur soviétique-juif Dimitri Pokrass. 

Inspiré par les nouvelles du soulèvement du ghetto de Varsovie, la chanson a été adoptée comme l'hymne officiel des partisans Vilna, peu de temps après qu'elle ai été composée en 1943 et diffusée avec une rapidité remarquable à d'autres ghettos ainsi qu'à des camps. La chanson est puissante et a un air de défi optimiste, reconnaissant la souffrance juive dans le passé ainsi que dans le présent. 
Elle encourage les Juifs à continuer à se battre pour leur survie. C'est une des chansons les plus fréquemment exécutées aux cérémonies de commémoration de l'Holocauste.
Elle est réputée pour être l'un des principaux hymnes des survivants de la Shoah.

Paroles de Zog Nit Keynmol en yiddish :

Zog nit keynmol az du gayst dem letzten veg,

Ven himlen blayene farshteln bloye teg;

Vayl kumen vet noch undzer oysgebenkte shuh,

Es vet a poyk tun undzer trot - mir zaynen do!

Le titre Zog Nit Keynmol signifie « Ne dit jamais », il dérive de la première ligne de la chanson « Ne dit jamais que c'est ton dernier chemin ». Le premier couplet (ci-dessus) termine en soutenant « mir zaynen do ! » qui signifie en français « nous sommes là ! », qui insinue « nous serons toujours là ! ».

Version de Zog Nit Keynmol chantée par Chava Alberstein :



1933 à Börgermoor1, un chant qui aura un impact considérable est écrit : Le Chant des Marais.

Son titre officiel est le Börgermoorlied mais il est également connu sous les noms de Chant des Marais et Die Moorsoldaten. Il est le plus renommé des chants du système concentrationnaire, étant populaire dans le monde entier.
Il est composé un 27 août. Ses paroles sont de Johann Esser2 (puis elles seront re-travaillées par Wolfgang Langhoff²) et la musique est composée par Rudi Goguel².
Après avoir répété maintes fois dans les latrines de la baraque 8, la chanson est chantée lors d’un « concert » accordé par la direction du camp aux détenus. Le chant est interprété par 16 hommes qui portent une tenue verte . Les autres prisonniers le reprennent en choeur ainsi que certains gardes !



Loin vers l’infini s’étendent

Des grands près marécageux.

Pas un seul oiseau ne chante

Sur les arbres secs et creux.


REFRAIN

O, terre de détresse

Où nous devons sans cesse

Piocher.


Bruit des pas et bruit des armes,

Sentinelles jour et nuit,

Et du sang, des cris, des larmes,

La mort pour celui qui fuit.
REFRAIN


Mais un jour dans notre vie,

Le printemps refleurira

Libre enfin, ô ma patrie,

Je dirai tu es à moi.


REFRAIN

O, terre d’allégresse

Où nous pourrons sans cesse

Aimer.

Lorsque le chant finit, les 16 hommes plantent leur bêche dans la terre à l'image du mot qui revient souvent dans la chanson : « piocher ». Toutefois, cette dernière s'achève sur une note plus joyeuse lorsque le refrain subit une modification : à la place de l'expression « où nous devons sans cesse piocher » on trouve, pour clore la chanson de manière optimiste, l'expression « où nous pourrons sans cesse aimer ».
2 jours après cela, le Chant des Marais est officiellement interdit au camp de Börgermoor puis dans tous les camps nazis, jusqu’à leur chute. Cependant, la carrière de la chanson est lancée…

Le Chant des Marais entonné par des chanteurs anonymes :


1Auteur des Sanglots longs des violons de la mort, livre pour les enfants sur coment survivre grâce à la musique dans les camps nazis.
2Camp de concentration situé en Allemagne, au nord de Berlin.
3Né en 1907 et décédé en 2005, Charles Désirat était un grand résistant communiste, ancien dirigeant du Secours Populaire, qui fut déporté au camp de concentration d'Oranienburg-Sachsenhausen (voir 1) en 1943.
1Camp de concentration établi en Allemagne du nord en Basse saxe.
2Détenus du camp de Börgermoor.


Conclusion :


En 1945, lors des offensives contre les troupes allemandes, les Alliés  pénètrent dans les camps de concentrations et d’extermination construis par les nazis en découvrant ainsi des milliers de prisonniers et l’ampleur des massacres. Parmi les amoncellements de cadavres qui gisaient en plein air se trouvait quelques milliers d’hommes et de femmes traumatisés (en effet la plupart des prisonniers avaient déjà été évacués par les nazis), et faméliques dont  les conditions de vie étaient jusqu’à lors totalement inconnues. 

Ce n’est que le 8 mai 1945 que l’Allemagne capitule sans condition annonçant ainsi la fin de la guerre en Europe. Ce fut une guerre meurtrière qui fit 60 millions de morts et laissa derrière elle des Etats et des populations dévastés, meurtris, et choqués. Pour les résistants, le bilan est également lourd. En effet, on compte au total environ 80 000 morts seulement parmi les résistants français dont 30 000 dans les camps. Mais les actions des résistants n’ont pas été inutiles et outre la libération, la Résistance est parvenue à réaliser l’union la plus grande, à rétablir la République et à apporter une évolution dans l’histoire de l’Europe.

Parmi ces nombreuses actions tant importantes dans cette guerre, ce sont la poésie et la musique qui nous ont intéressées. Effectivement, de nombreux artistes ont mobilisés leurs arts au péril de leurs vies afin de manifester leur rage et leur mépris, de rester libre, et de rester humain. Cette forme de résistance était également pour ses auteurs un moyen d’apporter du soutien aux différents peuples et victimes. Ainsi, ces artistes ont pu témoigner un soutien important à la Résistance en même temps qu’un soutien moral à leurs camarades. 

Bien sûr ce ne sont pas les seules formes artistiques qui ont été utilisées. Le cinema, la peinture ou le dessin étaient également présents, on peut alors trouver de nombreux dessins témoignant de ce qu’ont pu vivre les prisonniers dans les camps comme par exemple les œuvres de Boris Taslisky qui laissa derrière lui une centaine de dessins.« Si je vais en enfer, j'y ferai des croquis. D'ailleurs, j'ai l'expérience, j'y suis déjà allé et j'y ai dessiné !... »